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22 février 2009 7 22 /02 /février /2009 16:28

La Générale et le tsunami


Les branquignols de la Générale ont publié des communiqués d’autosatisfaction mercredi 18 février mais pas leurs comptes de 2008 : le document de référence 2008 porte sur les chiffres de 2007 !


J’ai demandé des explications à la Générale qui m’a emailé que les comptes 2008 seront publiés le 4 mars, or un honorable lecteur de mon blog, Jean Robique, nous signale qu’ils sont consultables en ligne et téléchargeables sur le site de… Reuters à l’adresse suivante :

http://library.corporate-ir.net/library/21/217/217918/items/324870/87B0CCAB-9166-4D4A-84A1-D62197186AD3_etatsfinancier.pdf

( le lien marche finalement !).


Il s’agit là d’irrégularités graves de communication financière qui sont des délits mais l’AMF n’existe que pour donner du travail et des revenus confortables à ses salariés et il n’y a pas de juge en France pour condamner les banques qui ne respectent pas les lois et les règlements …


D’après ce document de Reuters, le total des dettes de la Générale (€1 089 milliards) représente 26 fois (c’est le ratio µ) le montant de ses capitaux propres (€40,9 milliards) alors que µ devrait être impérativement inférieur à 12,5 selon les règles des ratios Tier d’origine.


En effet, la Banque des Règlements Internationaux a imposé aux banques le respect de règles prudentielles connues sous la forme du ratio Tier qui a été défini à l’origine comme étant la part minimale des capitaux propres à exiger, à savoir 8 % du total des dettes (ou inversement pour le µ qui devait être inférieur à 12,5) mais les banques ont réussi à faire adopter des règles qui leur permettent de ne pas respecter ces contraintes.


Les mécanos de la Générale publient un ratio Tier de 8,8 % alors qu’il est en réalité de 3,75 % en le calculant par l’inverse de µ.


Tricher et publier des chiffres qui ne donnent pas une image fidèle de la réalité, c’est construire des villages Potemkine.


Les grandes banques américaines (des Etats-Unis !) respectent toutes le ratio Tier d’origine (calculé par le rapport µ entre le total des dettes et les capitaux propres) :


Tableau 1 :

$ billion

 

 

JPMorgan Chase

 

 

Citigroup

 

 

Bank of America

 

 

Wells Fargo

 

 

Liabilities

 

 

2 008

 

 

1 794

 

 

1 641

 

 

1 211

 

 

Equity

 

 

166,9

 

 

150,8

 

 

177,1

 

 

99,1

 

 

µ

 

 

12,03

 

 

11,9

 

 

9,27

 

 

12,22

 

 


Tableau 2 :

$ billion

 

 

Goldman Sachs

 

 

Morgan Stanley

 

 

US Bancorp

 

 

PNC

 

 

Liabilities

 

 

820

 

 

608

 

 

237

 

 

131

 

 

Equity

 

 

64,4

 

 

50,8

 

 

26,3

 

 

14,2

 

 

µ

 

 

12,74

 

 

11,96

 

 

9,00

 

 

9,24

 

 


… alors que les grandes banques européennes ont toutes des µ supérieurs à 25 ! sauf les banques privées helvètes comme Julius Baer qui respecte les deux ratios d’endettement,


Tableau 3 :

milliards €

 

 

BNP

 

 

Soc Générale

 

 

Deutsche Bank

 

 

Fortis

 

 

Total dettes

 

 

2 017

 

 

1 089

 

 

2 171

 

 

944

 

 

Capitaux prop

 

 

59,0

 

 

40,9

 

 

30,7

 

 

30,4

 

 

µ

 

 

34,2

 

 

26,6

 

 

70,7

 

 

31,1

 

 


Tableau 4 :

milliards

 

 

UBS

 

 

Crédit Suisse

 

 

Barclays

 

 

Julius Baer

 

 

Total dettes

 

 

1 973,4

 

 

1 138

 

 

2 005,6

 

 

39 667

 

 

Capitaux prop

 

 

42,1

 

 

32,3

 

 

47,4

 

 

6 573

 

 

µ

 

 

46,9

 

 

35,2

 

 

42,3

 

 

6,0

 

 


En réalité la situation de la Générale est pire encore car un poste de la rubrique des capitaux propres, Instruments de capitaux propres et réserves liées passe curieusement de 7,5 à €17,7 milliards de 2007 à 2008.


L’explication se trouve à la page 24 : " Les titres subordonnés à durée indéterminée émis par le Groupe et intégrant des clauses discrétionnaires relatives au paiement des intérêts sont qualifiés d’instruments de capitaux propres parmi les Instruments de capitaux propres et réserves liées.

Titres super subordonnés à durée indéterminée

Compte tenu du caractère discrétionnaire de la décision de versement de la rémunération des titres super subordonnés à durée indéterminée émis par le Groupe, ces titres ont été classés en capitaux propres parmi les Instruments de capitaux propres et réserves liées ".


… Ce qui signifie en clair et en français que les mécanos de la Générale considèrent que les €10 milliards apportés par les usines à gaz que sont la Société Française de Financement de l'Économie (SFFE) et la Société de Prise de Participation de l'État (SPPE) font partie de son capital, et que ces titres sont donc assimilés à des actions.


Or, (après avoir bafouillé lamentablement en admettant que l’État allait siéger en tant qu’actionnaire au conseil d’administration de la Générale) Bécassine a bien précisé qu’il ne s’agissait pas d’actions et que l’État ne devait donc pas être considéré comme actionnaire, mais comme prêteur, ce qui a ensuite été confirmé par Sarko qui a même prétendu qu’il s’agissait là d’une bonne affaire pour les contribuables qui vont gagner de l’argent dans cette opération.


Il faut donc retirer disons, €10 milliards des capitaux propres publiés (qui tombent à €30,9 milliards) pour les reporter en dettes (qui montent à €1 099 milliards), ce qui fait un µ réel de 35,6 et un ratio Tier d’origine à 2,8 % pour la Générale.


Une crise bancaire ! où ça ?

Ah ! oui, en Europe, pas aux États-Unis ! ai-je déjà écrit le 31 janvier.


Quand les ratios de base ne sont pas respectés, rien ne peut fonctionner normalement.


Depuis ces derniers mois, tout peut se produire et même Jean-Claude Le Tricheur en est maintenant conscient : il a déclaré que des évènements considérés comme impossibles ont finalement été possibles !


Les éléphants qui sentent venir de loin les tsunamis sont montés sur les collines : les bons spéculateurs ont retiré petit à petit leurs capitaux des banques et de l’Europe depuis le printemps 2007 comme l’atteste la baisse des cours.


Que se passera-t-il précisément ?

Il est difficile de le prédire car les États en Europe peuvent faire durer impunément un certain temps l’illusion des villages Potemkine.


" Les écarts de taux d'intérêt entre pays de la zone euro n'ont jamais été aussi élevés, ce qui indiquerait que plusieurs de ces pays sont au bord de l'effondrement selon les analystes de BNP Paribas " rapporte une dépêche de l’AFP citée par un lecteur de mon blog.


En Allemagne, il semble acquis que la banque Hypo Real Estate au bord de la faillite est sur le point d’être nationalisée. Deutsche Bank a un µ de 70 !


Fortis, la banque de la Belgique, une institution réputée inébranlable est au tapis avec un dernier µ de 31 (le cours est tombé de €35 à moins de €0,50 !).


Les banques et beaucoup d’entreprises de l’Europe de l’Est sont sur endettées.


En France, le patron de Peugeot dit que la situation est intenable car les banques ne lui prêtent plus, ni à ses clients pour acheter des voitures. Les usines ferment pendant des semaines.


Tous les indicateurs récents montrent que la situation en France se dégrade encore par rapport au 4° trimestre de 2008


En Europe, Christoph Blocher est le seul homme politique qui ait pris des positions satisfaisantes (mais trop tardives) sur ces problèmes : "Aujourd'hui UBS et le Credit Suisse sont de trop grandes entités pour notre économie. Leur structure fait peser un risque sur la place financière suisse car elles y tiennent une place disproportionnée".


Maintenir en survie les banques fait plonger tout le monde, les faire plonger comme l’ont fait les autorités des États-Unis provoque un bouleversement considérable mais finalement salutaire pour le plus grand bien de la population.


Je termine sur une note optimiste : nos péquenauds du Crédit Agricole n’ont pas encore publié leurs comptes, trop occupés à les arroser, surtout pendant le salon de l’agriculture.


La France est le premier pays producteur de vin, ça s’arrose, à votre santé, portez vous bien !


Je conseille à mes honorables lectrices et lecteurs de mon blog de lire les commentaires qui sont souvent très judicieux, et qui élargissent et diversifient un peu mes billets.

***

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commentaires

S
M. habsb<br /> Cette information est publique et facile à trouver dans les comm financières. <br /> <br /> D'ailleurs, le minimum requis du ratio Tier 1 (des capitaux propres "durs") est de 4%.
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U
@H2O<br /> <br /> Dans les derniers des 100 commentaires de la page citée et dans les touts premiers de la page suivante (>100)
Répondre
U
Vous écrivez :<br /> " ratio Tier qui a été défini à l’origine comme étant la part minimale des capitaux propres à exiger, à savoir 8 % du total des dettes "<br /> <br /> A ce que j'en sais le ratio tiers corresponds à la part minimale des capitaux propres par rapport au total des actifs (et non des dettes, qui, sauf erreur, sont du passif)
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H
"Tiens, on parle de vous sur le blog de Frédéric Lordon"<br /> <br /> Vous n'auriez pas plus précis ?<br /> parce que là je viens de me taper les 3/4 de son article, et à part avaler de force une réthorique gauchiste assez nébulleuse et avariée j'ai rien trouvé du tout d'autre, <br /> il est où JP Chevallier chez Lordon, quelle page ?
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C
A Alien 315<br /> J'ai la désagréable impression que personne n'a la réponse à nos questions et ça ne me rassure pas vraiment.
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