Caisse d’épargne et Banque Populaire
La Caisse d’épargne, la Banque Populaire et Natixis ont publié jeudi 26 février leurs résultats qui sont tout aussi inquiétants que ceux de la Générale et de la BNP…
Les dettes totales de la Caisse d’épargne se montaient à €633 milliards au 31 décembre 2008 soit un tiers du PIB de la France, alors qu’aucune banque ne devrait dépasser la barre des 10 % du PIB, car en cas de mauvaise gestion, la situation est irrattrapable.
Ce premier ratio prudentiel d’endettement des banques est respecté aux États-Unis (sauf pour JPMorgan Chase) car les autorités veillent attentivement à ce que la concurrence règne dans le secteur bancaire pour éviter le pire (le risque systémique).
Il aurait fallu démanteler la Caisse d’épargne en 4 caisses concurrentes au lieu de la faire fusionner avec la Banque Populaire.
C’est la première erreur des autorités françaises.
Deuxième grosse erreur : le ratio Tier 1 d’origine de la Caisse d’épargne est en réalité de 2,6 % alors que le minimum est de 8 %.
Il est annoncé à 8,3 % en application des règles tordues que les banques ont fait adopter pour ne pas respecter cette contrainte (le ratio Tier 1 d’origine était défini simplement comme étant le rapport minimum entre les capitaux propres et le total des dettes, pour 100).
Autre formulation avec le ratio µ (l’inverse du ratio Tier 1) : le total des dettes devrait représenter moins de 12,5 fois le montant de capitaux propres (et même moins de 10 fois d’après Alan Greenspan) pour que la confiance revienne dans le secteur bancaire, alors que le µ de la Caisse d’épargne est de 38,2.
Tableau 1 :
Caisse d'épargne
| 2007
| 2008
|
Total dettes
| 580,9
| 633,2
|
Capitaux propres
| 20,6
| 16,6
|
µ
| 28,2
| 38,2
|
Avec un montant des capitaux propres de €16,6 milliards, les dettes de la Caisse d’épargne devraient être inférieures à €166 milliards pour que cette banque soit solide et fiable.
Il aurait fallu là encore démanteler la Caisse d’épargne et restructurer ses actifs pour que les caisses d’épargne françaises soient dignes de confiance.
La situation est plus confuse à la Banque Populaire car elle ne publie pas son bilan au 31 décembre 2008, ce qui ne permet pas de connaître le total de ses dettes (il n’est pas mentionné dans le communiqué).
La situation est même inquiétante car la banque prétend que ses capitaux propres se montent à €14,4 milliards alors qu’ils étaient de €8,7 milliards au 30 juin 2008, en diminution par rapport au 31 décembre 2007,
Tableau 2 :
Banque Populaire
| 2007
| 2008T2
|
Total dettes
| 194,7
| 204,8
|
Capitaux propres
| 9,2
| 8,7
|
µ
| 21,1
| 23,5
|
Le ratio Tier 1 était en réalité de 4,3 % fin juin alors qu’il est annoncé triomphalement à 14,4 % fin décembre ! ce qui est manifestement invraisemblable.
Les dirigeants de la Banque populaire assimilent certainement les prêts de l’État à de véritables capitaux propres, ce qui est une tromperie (et un délit), comme ceux de la Générale.
La situation est pire encore avec Natixis, entité cotée dont la Caisse d’épargne et la Banque Populaire détiennent 70 % du capital : le µ réel est de 34,6 ce qui correspond à un ratio Tier 1 de 2,9 % mais là encore, les dirigeants de la banque comptabilisent €5,7 milliards de prêts de l’État dans les capitaux propres comme s’il s’agissait d’actions ordinaires.
Tableau 3 :
Natixis
| 2007
| 2008
|
Total dettes
| 503,1
| 540,2
|
Capitaux propres
| 16,9
| 15,6
|
µ
| 29,8
| 34,6
|
En réalité, le ratio Tier 1 devrait être plutôt de 1,8 % et le µ de 55 !
Les banques françaises (et européennes) ne donnent pas une image fidèle de la réalité.
Ce village Potemkine est dangereusement trompeur car depuis 2008, tout peut arriver, des évènements considérés comme impossibles ont finalement été possibles a même dit Jean-Claude Le Tricheur.
Pour l’instant, aucune banque française n’a fait faillite, mais la confiance ne règne pas dans le secteur bancaire, ce qui a des conséquences graves : les dirigeants des banques connaissent bien la situation réelle dans leur établissement et ils savent très bien que c’est pire ailleurs.
Ils ne se font pas confiance et ils préfèrent déposer leurs liquidités auprès de la BCE (€200 milliards par jour !) au lieu de bénéficier de rémunérations plus avantageuses en les prêtant sur le marché interbancaire, car ils savent qu’ils risquent là de ne pas pouvoir les récupérer à la suite de la défaillance de leur emprunteur.
Les banques ne peuvent plus emprunter, et elles ne peuvent donc plus prêter, le patron de Peugeot ne peut plus emprunter, ni ses clients pour acheter des voitures.
Tout est bloqué à cause des erreurs de gestion, des irrégularités et des fraudes des dirigeants des grandes banques françaises (et européennes).
C’est inadmissible.
Ce n’est pas une crise du capitalisme, mais une mauvaise application des règles bien établies que doivent respecter les banques.
Aux États-Unis, les autorités (le gouvernement, la banque centrale, la SEC) ont imposé aux banquiers le respect de ces règles après leur avoir fait subir une sérieuse débâcle.
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Il n’est pas facile de trouver les comptes complets de la Caisse d’épargne ! cliquer ici pour les consulter, le bilan étant page 38.
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