La stratégie du désordre
Les Américains (des Etats-Unis) appliquent la stratégie du désordre depuis un certain nombre d’années. C’est une idée défendue à l’origine par les dirigeants du parti Démocrate qui n’acceptent plus que des régimes forts amis dirigent un certain nombre de pays comme c’était le cas jadis.
Ils préfèrent favoriser l’arrivée au pouvoir d’opposants anti-américains (dans le cadre de la logique dite paradoxale), mais ils les affaiblissent en créant un certain désordre dans ces pays.
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La stratégie du désordre est appliquée en Iran depuis la fin des années 70, et c’est peut-être là qu’elle a commencé à être mise en œuvre pour la première fois.
Les Américains, sous la présidence du Démocrate Carter, ont favorisé l’éviction du Shah et la prise du pouvoir par Khomeyni avec l’appui des Français qui ont joué le rôle indispensable d’idiots utiles (selon l’expression consacrée) avec Valéry Giscard (d’Estaing).
En effet, les Américains préfèrent agir indirectement (c’est plus discret) en exerçant une influence sur des parties tierces pour les inciter à prendre des décisions qui servent leurs intérêts.
Les Chiites au pouvoir ont effectivement considérablement affaibli l’Iran et ils exercent une menace importante sur les Sunnites, ce qui répond aux objectifs finals que les Américains recherchent : affaiblir le monde arabo-musulman en y augmentant le désordre.
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George Bush senior a appliqué la stratégie du désordre en Irak en laissant Saddam Hussein au pouvoir en 1991 (après la guerre menée à la suite de l’invasion du Koweït) de façon à maintenir son pouvoir de nuisance dans la région, et donc un certain désordre.
Son fils, George W. Bush, a rompu cette stratégie mais les Démocrates tout-puissants et omniprésents dans l’administration fédérale ont réussi à rétablir un certain désordre en Irak répondant à leur stratégie !
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La stratégie du désordre est un art délicat à utiliser au Moyen-Orient mais d’une très grande efficacité car le désordre y est particulièrement bien ancré depuis des millénaires.
Toute la difficulté est de le maîtriser et de l’orienter dans le sens voulu pas ses initiateurs.
Dans cette optique, Israël a particulièrement bien réussi lors de la guerre menée au Liban contre le Hezbollah pendant l’été 2006 : le pouvoir de nuisance militaire de la milice Chiite contre Israël a été détruit, ce qui était l’objectif principal, mais les Chiites peuvent continuer à exercer un certain pouvoir de nuisance dans le monde musulman dominé par les Sunnites, et donc perpétuer un certain désordre.
En outre, Israël ne passe plus pour une hyper puissance dominatrice mais comme une nation vulnérable, donc ordinaire (comme les Américains en Amérique du Sud), ce qui est positif à terme.
Les membres du gouvernement israélien ont été parfaits dans leur rôle d’idiots utiles !
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La stratégie du désordre est appliquée en Turquie : les Américains ont abandonné avec surprise leurs alliés de longue date de la droite traditionnelle laïque liée aux militaires (qui ont joué un rôle très important pendant la guerre froide) en facilitant l’arrivée au pouvoir des Islamistes mais en les affaiblissant, en particulier en exigeant d’eux le respect des Droits de l’Homme.
Par ailleurs, les Américains interviennent (curieusement directement et très énergiquement) pour que l’Union Européenne accepte en son sein la Turquie, ce qui affaiblira l’Europe en y facilitant l’intégration de 70 millions de Musulmans turcs qui y créeront un grand désordre ingérable à terme.
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La stratégie du désordre est appliquée en Europe : les Américains ont réussi à convaincre les Européens de mettre en place l’Union Européenne qui a la prétention d’être une nation née de l’élargissement de la Communauté Européenne mais qui est un monstre institutionnel totalement inefficace qui affaiblit considérablement les pays européens dont les entreprises sont pourtant très performantes.
Les Américains ont même réussi à persuader les dirigeants et les peuples de pays européens à adopter une monnaie commune contre nature dont les effets leur sont pourtant catastrophiques.
Ce ne sont pas les Américains qui créent positivement ce désordre, mais ce sont certaines entreprises spécialisées dans cette activité qui exercent une influence sur les leaders et les décideurs européens de façon à ce qu’ils prennent eux-mêmes des décisions contre leurs intérêts, ce qui favorise finalement les Américains.
La stratégie du désordre est même appliquée dans des entreprises d’importance stratégique comme EADS qui a l’avantage de donner l’apparence de ne pas laisser le monopole de la production d’avions de ligne à Boeing.
En convainquant l’entourage de Jacques Chirac de lancer l’A380 à la place d’un biréacteur long courrier, Airbus s’est condamné à ne pas être rentable, ce qui pénalise lourdement l’industrie aéronautique européenne et les contribuables, tout en laissant le champ libre à Boeing sur ce marché majeur du XXI° siècle.
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La stratégie du désordre est appliquée en Suisse car les Américains veulent affaiblir la puissance financière totalement incontrôlable de ce petit pays libéral très indépendant.
Là encore, la gauche européenne fournit l’armée d’idiots qui leur sont utiles : ainsi par exemple, des dirigeants du Parti Socialiste français sont intervenus pour essayer de mettre fin aux avantages fiscaux dont bénéficient les capitaux qui y sont placés, les militants rouges-verts européens appuient les revendications contestatrices de citoyens helvétiques en sapant les fondements mêmes de leur nation.
La Suisse était un pays propre en ordre selon l’expression typiquement romande.
La stratégie du désordre y crée un désordre grandissant et durable.
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La stratégie du désordre est facilement appliquée en Russie avec les anciens communistes restés au pouvoir, mal reconvertis dans une apparence d’économie de marché.
Le désordre y règnera longtemps. Grâce à eux, le maintien d’un potentiel de dangerosité russe permet de justifier la poursuite de programmes militaires américains de grande envergure, ce qui permet aux Etats-Unis de maintenir leur avance dans ces technologies de pointe, pour la plus grande satisfaction de leurs militaires et de leurs entreprises du secteur de la défense.
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La stratégie du désordre a été appliquée aussi en Asie : Suharto, présenté habituellement comme un dictateur par les médias, a été évincé du pouvoir en Indonésie par les Américains en utilisant la désinformation et en encourageant des manifestations qui lui étaient hostiles.
Steve Hanke, un économiste américain qui conseillait Suharto, a rapporté dans un article publié dans Globe Asia du 24 janvier 2007 qu’il a été surpris de constater que ce sont ses propres concitoyens qui avaient créé de toutes pièces son éviction !
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La stratégie du désordre est appliquée au Japon dont le dynamisme dans les décennies d’après guerre a été stoppé par les désordres monétaires qui ont créé une déflation durable. En effet, les dirigeants de la banque centrale ont laissé filer la masse monétaire qui est hypertrophiée (à 220 % du PIB au lieu de 80 % au maximum) et l’endettement public atteint 180 % du PIB (60 % est la norme à ne pas dépasser).
Les Américains ont tout fait pour… laisser les dirigeants politiques et économiques japonais faire des erreurs majeures. Corrompus et incompétents, ils sont eux aussi parfaits dans leur rôle d’idiots utiles.
Dans ces conditions, le Japon ne pourra plus jamais menacer de concurrencer les Etats-Unis.
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Seuls les Chinois qui sont depuis des millénaires des experts dans l’art de la stratégie, réussissent à tirer leur épingle du jeu, pour l’instant du moins.
Les Américains les ont encouragés à développer une économie de marché qui a permis à la Chine de décoller. Cependant, les marchés financiers sont les plus complexes à maîtriser, et les autorités chinoises en gèrent mal certains aspects.
Ainsi, l’inflation (6,5 %) peut être difficile à contenir à court terme avec une croissance très forte (11,9 %). La masse monétaire est hypertrophiée : elle augmente trop vite (17 %) et elle représente 170 % du PIB, ce qui produira un jour des désordres insurmontables et durables car ils sont profondément déflationnistes à terme (comme au Japon).
L’épargne (alimentée en partie par de l’argent non gagné) est surabondante (60 % du PIB), ce qui fait monter les bourses chinoises à des sommets très dangereux.
Les cours des actions sont actuellement considérablement surévalués avec un PER moyen de 35 à 40 contre 15 à 20 normalement (le PER est le rapport –Ratio- entre la capitalisation boursière –Price- et les bénéfices –Earnings-).
Un krach se produira obligatoirement un jour, ce qui créera alors un désordre économique considérable et mettra fin à la croissance et à la menace chinoise. Les Américains laissent les dirigeants politiques et économiques chinois faire des erreurs majeures comme ils l’ont fait avec les Japonais.
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Cette stratégie du désordre est appliquée en Amérique centrale et du Sud : la plupart de ces pays ont maintenant des gouvernements de gauche plus ou moins hostiles aux Etats-Unis, mais en menant de telles politiques économiques antilibérales à base de nationalisations entre autres, ils se condamnent à une croissance faible qui accentue les difficultés économiques, sociales et politiques.
Ils affaiblissent ainsi à terme leur pouvoir de nuisance, ce qui est le but final recherché par les Américains (des Etats-Unis).
Il n’y a plus de dictateurs amis comme c’était le cas pendant des décennies après la Seconde guerre mondiale dans un certain nombre de pays d’Amérique centrale et du Sud (les Républiques bananières).
Cette politique de complaisance des Américains envers des dictatures pouvait être admise à cette époque là car la lutte contre l’influence communiste était difficile à mener.
Elle a donné des résultats positifs pour les Américains (en particulier… les producteurs de bananes !) pendant un certain temps mais elle est contre-productive à terme et elle est jugée politiquement incorrecte par les Démocrates.
Par ailleurs, la structure du PIB a beaucoup changé depuis une vingtaine d’années dans les pays développés : les firmes Nord-américaines dominantes ne sont plus celles qui commercialisent des fruits mais des sociétés de services (informatiques, financiers, etc.).
Le contrôle de ressources naturelles par les Américains (du moins par certaines de leurs entreprises) ne présente plus d’intérêt. Les gouvernements de ces pays peuvent donc rester hostiles aux Américains (des Etats-Unis) sans leur porter préjudice.
Bien mieux : la faible croissance de ces pays d’Amérique centrale et du Sud accentue les difficultés économiques de la population dont le niveau de vie s’améliore peu ou pas en adoptant des politiques économiques antilibérales, ce qui décrédibilisera finalement ces gouvernements de gauche.
A terme, la stratégie du désordre est donc gagnante pour les Américains et le capitalisme libéral qui gagneront ainsi la guerre des idées !
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La stratégie du désordre est une réussite presque parfaite… pour les Américains.
Elle a des conséquences catastrophiques pour les autres, et en particulier pour les défenseurs de la liberté dans le monde et qui sont ainsi abandonnés et trahis par leurs propres alliés.
Les Iraniens partisans du Shah en ont été les premières victimes. Ils n’admettent pas que les Américains aient pu aider les Chiites à renverser la monarchie et à plonger leur pays durablement dans la pauvreté et le désordre.
Les peuples sont finalement les grandes victimes consentantes de cette stratégie du désordre.
En effet, les Américains n’imposent plus leurs propres amis : ils incitent leurs ennemis (la gauche plurielle, les Islamistes) à prendre le pouvoir et à commettre les erreurs qu’ils ne devraient pas commettre.
Le cynisme des Démocrates n’a aucune limite. Ils imposent leur conception du politiquement correct. Les Républicains ne font rien pour s’y opposer.
Cette stratégie du désordre doit être dénoncée et combattue par les défenseurs de la liberté dans le monde.
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Cette stratégie du désordre est le fruit de mes réflexions personnelles initiées par la lecture des billets du Lieutenant-Colonel Ludovic Monnerat sur son blog, en particulier par le concept de la logique paradoxale qui explique très bien la cohérence et l’importance de la politique menée par les Etats-Unis.
Blog de Ludovic Monnerat : http://www.ludovicmonnerat.com/
Il n’y a pas d’autres références a priori.
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Une première version réduite de ce texte a été publiée sur le site Iran-Resist des Iraniens qui, en tant que premières victimes, sont bien placés pour comprendre les effets dévastateurs de cette stratégie du désordre.
Je reprends ici un texte écrit le 06/09/2007
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Copyright © 2007 Jean-Pierre CHEVALLIER