Dette de la France : 760 milliards € en + !
La balance commerciale de la France se détériore depuis l’adoption de l’euro : le déficit augmente, et plus grave, il n’est pas compensé par l’entrée nette de capitaux.
Le gros problème en France est que le déficit de la balance commerciale (des transactions courantes portant sur les biens seuls) s’accompagne d’une fuite des capitaux (i.e. du déficit des investissements directs en capital) : les dirigeants des entreprises françaises investissent surtout en dehors de la France, en Europe de l’Est, en Afrique du Nord et ailleurs comme le montrent les derniers exemples d’actualité avec Total et Renault.
Les investissements directs étrangers en France sont très largement inférieurs aux investissements français à l’étranger : le déficit cumulé depuis le mois d’aout 2004 est de 259 milliards d’euros (et 206 milliards d’euros de déficits cumulés pour la balance des transactions courantes portant sur les biens seuls), et ces cumuls de déficits augmentent,
Graphique 1 :
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J’ai consacré un certain nombre de billets à ce sujet mais je n’ai jamais pu savoir comment ces déficits étaient compensés.
C’était d’autant plus étrange que les réserves en devises sont toujours au minimum depuis des années (la valeur de 15 jours d’importations alors que la règle est de 3 mois au minimum).
Logiquement, j’ai émis l’hypothèse que ces déficits étaient compensés par le renouvellement d’emprunts à très court terme et par des dettes vis-à-vis de divers organismes étrangers, mais je n’en avais jamais trouvé la trace ni d’articles à ce sujet.
En fait, la solution se situe dans la rubrique 3,3 de la balance des paiements intitulée Autres investissements : le cumul des soldes depuis le mois d’aout 2004 se montait à 284 milliards d’euros fin décembre 2009, ce qui correspond en fait à la dette nette cumulée de la France par rapport à l’étranger pour cette période,
Graphique 2 :
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Cette dette nette cumulée de la France par rapport à l’étranger de 284 milliards d’euros résulte de la somme algébrique de ses deux composantes : les Avoirs (rubrique 3,3,1) et les Engagements (rubrique 3,3,2).
Les Avoirs (rubrique 3,3,1) sont en fait constitués pour l’essentiel de prêts par des organisations françaises à d’autres organisations à l’étranger. Ils sont très variables d’un mois à l’autre,
Graphique 3 :
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… mais depuis aout 2004, le déficit cumulé de ces Avoirs est de 475 milliards d’euros,
Graphique 4 :
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La dette brute de la France vis-à-vis de l’étranger doit donc compenser ces déficits. Elle est inscrite dans la rubrique 3,3,2 de la balance des paiements, Engagements qui sont eux aussi très variables d’un mois à l’autre,
Graphique 5 :
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… mais depuis aout 2004, le déficit cumulé de ces Engagements atteint 759 milliards d’euros,
Graphique 6 :
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Il a même culminé à 1 100 milliards d’euros en mai 2008 et il fluctue depuis 2007 aux alentours de la moitié du PIB annuel !
Bien entendu, les investisseurs avisés (les bons spéculateurs) connaissaient ces chiffres et ils ont sorti leurs capitaux de la France et en particulier des bons à 10 ans du Trésor français dont les rendements ont augmenté par rapport à ceux de l’Allemagne, l’écart se portant actuellement à 10 % environ, ce qui est proche de la dette nette de la France par rapport au PIB annuel (15 %).
La situation de la France s’est considérablement dégradée à partir du 2° semestre 2004 car le poids des prélèvements obligatoires et des réglementations empêchent la croissance du PIB d’atteindre son potentiel optimal, ce qui creuse l’écart par rapport aux autres pays plus performants comme l’Allemagne et les Etats-Unis qui ont bénéficié d’une forte reprise de la croissance au cours de cette période.
Quand le système de Bretton Woods était en vigueur, la France résolvait ce type de problèmes en dévaluant le franc.
Actuellement, nous nous trouvons dans un système pire que celui de Bretton Woods car il est impossible de dévaluer une monnaie d’un pays de l’euro-système étant donné que les monnaies des pays membres ont disparu, les parités ayant été définitivement fixées, comme l’a fort bien analysé le docteur Bernard Trémeau.
Il ne servirait à rien de créer un Fonds Monétaire Européen à l’image du FMI car des réajustements de parités sont impossibles dans l’euro-système.
Dans un système fermé, le désordre augmente.
La sortie de l’euro-système s’impose pour réinsérer la monnaie de la France dans un système de changes libres, ce qui permettrait de rétablir automatiquement et sans délai les équilibres pour que la croissance du PIB atteigne son potentiel optimal.
Les données que j’utilise sont celles de la Banque de France qui sont accessibles en quelques clics par tout mulot normalement constitué.
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Ce type de problème est très bien analysé aux Etats-Unis. Ce bon vieux Alan Greenspan en a même fait une pierre angulaire de sa politique : en ouvrant largement les frontières des Etats-Unis à l’importation de produits faits en Asie et en Chine en particulier, il a favorisé le décollage de ces pays dits émergents et les consommateurs américains bénéficient de produits à des prix extraordinairement bas, ce qui leur permet d’augmenter leur niveau de vie.
La contrepartie négative aux Etats-Unis a été la suppression massive d’emplois dans les industries à faible productivité (comme par exemple dans le textile, l’électronique grand public, etc.) qui est compensée par des créations d’emplois dans d’autres secteurs à plus forte valeur ajoutée (l’informatique, l’aéronautique, etc.), ce qui est facilité par l’augmentation des capacités de financement dans ces pays émergents.
Ainsi par exemple, les compagnies aériennes de Chine peuvent acheter des Boeing (et des Airbus) grâce aux exportations de textiles et de chaussures vers les pays développés, ce qui y crée des emplois.
C’est l’application du principe de la destruction créatrice de Schumpeter.
Le déficit colossal de la balance commerciale est compensé par l’entrée nette de capitaux qui sont attirés par les possibilités d’investissements rentables aux Etats-Unis, surtout dans les entreprises utilisant des techniques innovantes.
Ce système basé sur des déséquilibres est globalement équilibré !
Copyright © 2010 Jean-Pierre CHEVALLIER.
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